Après une petite pause, je lance un nouveau type d'article sur ce blog. Il s'agit d'invités qui ont d'une manière ou d'une autre quelque chose à dire qui a un lien, même lointain, avec notre pays. Toute personne intéressées a publier sur ici un texte est bienvenue, contactez-moi.
Nous commençons avec Laurent qui est un jeune auteur et illustrateur suisse. Je vous invite à passer sur son site pour découvrir certaines de ses créations.
Je me
présente ; Laurent dit « Paragon », 18 ans, rôliste depuis mes treize ans et suisse par
nature. J'ai dû dernièrement meujeuiser une partie en deux langues (français et
allemand) et Nonène m'a demandé de vous en parler :
Au départ,
ce devait être une partie pour Ludesco tout-à-fait normale : 6 joueurs
100% pur francophone, normal quoi ! Mais bon, le succès de mon scénario
des Ombres d’Esteren aidant, j'ai accepté de prendre un premier joueur
supplémentaire ; ce fut de bon gré car je le connaissais. Comme un autre
joueur avait invité sa copine au festival, je lui ai naturellement proposé de
jouer à ma table. Cette fois-ci, ladite copine suisse allemande ne parle pas un
mot de français. Un beau challenge s’offrait à moi.
C'est une
des particularités les plus déroutantes de le Suisse, ses multiples langues
nationales et il faut s’y adapter. Bien sûr, j'ai appris l'allemand comme tout
Suisse romand : je me débrouille mais ce n’est pas une langue maternelle
non plus. Je me suis donc donné la peine d'essayer de doubler mes descriptions
durant toute la partie.
Plusieurs
difficultés se sont posées à moi. La première est le temps supplémentaire que
peut prendre les descriptions : tout raconter deux fois à une table de
huit joueurs dissipés, ça trouble passablement le jeu. Très rapidement, je me
suis simplifié la tâche en parlant allemand uniquement lorsque je m’adressais à
la germanophone de la table. Pour le reste, son copain, bilingue pour sa part,
se chargeait de la traduction de mes autres descriptions.
La seconde
difficulté provient du vocabulaire. S'il y a bien une chose que l'on n'apprend
ni à l'école, ni lors d’excursions en terre germanique, c'est le vocabulaire spécifique à une partie
de jeu de rôle. En début de partie, j’ai eu du mal à trouver mes mots, avoir
une personne bilingue en soutien m’a grandement aidé. Pourtant, si le
bilinguisme de ma partie avait été connu à l’avance, j’aurais pu me préparer et
répéter ce vocabulaire spécifique. Les mots problématiques n’étaient pourtant
pas trop nombreux : trois noms de professions et de quelques armes.
A ce titre,
je bénis les auteurs d'Esteren d’avoir opté pour des noms spécifiques pour les
professions. Jusqu’à présent, je ne comprenais pas pourquoi ils avaient appelé
les druides, Demorthèns ; les alchimistes, Magientistes ; les
messagers, Varigaux. Mais l’avantage est que ces noms sont uniformes entre les
langues et cela crée une sorte de vocabulaire commun. Ainsi je donnais une fois la définition en français
et en allemand et ensuite roulez jeunesse. A croire qu’ils avaient prévu dès le
départ de faire des traductions et faciliter le passage d’une langue à
l’autre !
En
conclusion, je dirais que si une partie du genre était à refaire, il me faudra
une préparation. Bien sûr, la difficulté de la langue s’ajoutait à celle du
nombre de joueurs, mais je pense que l’expérience vaut le coup. Voici trois
bonnes raisons de jouer en plusieurs langues :
·
Ça
peut permettre de rapprocher les régions linguistiques de la Suisse (ou de
Belgique, ou d’Europe, ou du Monde).
·
C'est
un excellent moteur pour s’exercer aux langues.
·
Ça
renforce les enjeux linguistiques dans le jeu de rôle[1].
Maintenant
imaginons une table avec un MJ entraîné et des joueurs ne parlant pas tous la
même langue... ajoutons là-dessus un scénario d'enquête pensé pour inclure des
enjeux multilingues, un scénario historique en 14-18 sur la frontière par
exemple.
Vous
imaginez un peu l’expérience ludique que ça pourrait être ? Ça ne vous
tenterait pas ? Moi ça me tente, j'aimerai bien organiser une telle chose
un jour.
[1] Il y avait par exemple
dans les premiers D&D ces règles absurdes des compétences de langue
qui ne servaient à quasi rien puisqu'en dehors des donjons tout le monde ou
presque parle la langue commune. Et même si les personnages n'étaient pas
censés se comprendre, les joueurs parlaient malgré tout la même langue autour
de la table.
Cette expérience est tout à fait intéressante. J'ai eu le même genre de réflexion lorsque j'avais été joueur à Soleure pour la Dice night (cf. Swiss Made JdR 1 et 2). J'ai l'impression qu'il ne faut pas forcément beaucoup pour que des tables bilingues soient possibles. Une bonne préparation et éventuellement des jeux adaptés peuvent à mon avis faire beaucoup.
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