Suite au tout premier billet concernant La Chaux-de-Fonds 1904, j’ai eu toutes sortes de réactions
et il y en a une qui revenait plusieurs fois : « J'avoue que j'ai du
mal à voir la portée de ton projet. »
Effectivement le choix du jeu Crimes et d’une thématique régionale semble aller à l’encontre de
ce que j’annonce : un projet ambitieux qui fait partie d’un modèle
professionnel. Certains ont peut-être eu l’impression que je m’adressais à une
micro-niche de la petite niche économique du jeu de rôle. Je crois que
l’incompréhension provient de l’ambition complètement inversée de ce projet, ce
qui est au final la véritable innovation du projet.
Déjà à la Belle Époque, ils avaient des projets locaux. |
Traditionnellement, les projets de jeu de rôle s’adressent
avant tout au public rôliste ou geek. Ils offrent un univers et des thématiques
plutôt universelles, au sens géographique du terme, pour potentiellement
intéresser les rôlistes du monde entier. Le modèle économique est ici basé sur
les ventes de livre et d’aides de jeu ; celles-ci servant également
d’indicateur de succès pour le projet.
La stratégie pour y parvenir est généralement de créer une
clientèle nombreuse et/ou convaincue.
Cette base de fans issue des rangs des rôlistes servira alors de fondations pour la
suite des activités : convertir des nouveaux joueurs, développer la gamme,
envisager des projets cross-média, faire une traduction, etc. Il est important
de noter que si certains de ces projets s’adressent également à d’autres
publics que les joueurs de jeu de rôle, c’est souvent pour s’intéresser à
d’autres sous-cultures geeks : manga, comics, SF, etc
Les Ombres d’Esteren
est l’exemple le plus caractéristique que je connaisse. J’ai un profond respect
pour le travail de Nelyhann et toute l’équipe qui sont également mes compagnons
à ForgeSonges. Mais voilà, je ne peux pas prétendre à un tel succès qui
n’est à la portée que du travail acharné de toute une équipe ou à des auteurs
vraiment reconnus du milieu. Je ne suis pas Brand, Le Grümpf ou d’autres
célébrités du JdR. La reconnaissance et les compétences s’acquièrent avec le
temps bien entendu, mais moi je débute.
J’ai donc réfléchi à d’autres manières de voir les choses, à
un modèle économique plus adapté à ma situation. Il me fallait un projet à mon
échelle que mon expérience d’historien régional et mon réseau personnel
pourraient renforcer. J’ai donc laissé de côté l’aspect universel pour me concentrer
sur la proximité. Le public visé par le projet n’est pas spécifiquement les
rôlistes. Évidemment les fans de Crimes
et les quelques personnes s’intéressant à mes précédentes publications
achèteront la publication. C’est aussi important et la publication leur est
également destinée et je ne les oublie pas non plus.
Le principal public visé est un public régional qui n’a sans
doute jamais raconté une histoire autour d’une table en lançant des dés. Il
s’agit d’historiens amateurs et curieux, de lecteurs avertis qui aiment les
créations locales. Il s’agit également des autorités publiques, des organismes
culturels, les médias régionaux et nationaux. J’aimerais fédérer le plus loin
possible les acteurs locaux autour d’un projet de JdR ; j’aimerais que le
JdR soit pris au sérieux dans mon pays en réalisant un projet ambitieux et
innovant. Je veux faire connaitre et crédibiliser le JdR dans mon
environnement.
J’espère que ça aura des retombées directes sur tout le JdR
en Suisse, je vais d’ailleurs essayer d’en faire profiter tous mes amis
rôlistes. Le premier bénéficiaire d’un succès, ce sera moi évidemment et La Chaux-de-Fonds 1904 pourrait me
permettre de mettre en place un réseau régional utile pour mes prochaines
productions (distribution en librairie, communication), d’être reconnu localement pour mon
travail dans le JdR et d’acquérir une riche expérience dans la gestion de
projet. Tout ceci est envisageable parce que je travaille à petite
échelle : je rencontre les partenaires près de chez moi, les médias régionaux peuvent s'intéresser à mon petit projet, les ventes d’ouvrage de JdR sont même très respectables selon
les références locales (pour anecdote, j’ai vendu plus de Romance érotique que de ma publication d’histoire régionale qui a connu un relatif succès).
En définitif, je construis du local vers le global. Je pars
du principe que si mon entourage direct est dynamique et me soutient, c’est une
base solide pour de nouveaux projets plus ambitieux, plus universels.
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